Lisa Balavoine
Très heureuses de recevoir Lisa Balavoine, autrice (« Eparse »2018, « Un garçon c’est presque rien »2020) pour « Ceux qui s’aiment se laissent partir », paru au printemps chez Gallimard.
Un récit intime, féminin, juste, entre déchirure et pardon, beau à pleurer…
« Les souvenirs s’attachent à nous bien plus qu’on ne tient à eux. Ils sont dans l’air qu’on respire, dans ce fruit dans lequel on mord, dans la poussière qu’on piétine sans s’en apercevoir. Les souvenirs nous collent à la peau, et, comme une encre sympathique, ils reviennent quand nous croyons les avoir effacés. Ils se superposent et nous recouvrent. Les souvenirs sont des vêtements posés sur nous dont les bords usés s’effilochent au fur et à mesure qu’on tire dessus. Difficile de savoir où et quand il faut couper le fil. »
Le titre dit et ne dit pas… “se laissent partir”, c’est un réflexif pour un pronominal, se laisser aller, laisser l’autre partir loin de soi, se laisser partir en même temps, en miroir ?
C’est l’histoire d’une petite fille et de sa mère, de leur relation. L’enfant admire la mère, l’aime et lui ressemble , essaie de lui ressembler pour la comprendre, comprendre et aimer sont indissociables, on le sait, mais que faire quand l’être aimé sombre en proie à un mal être profond et se laisse dériver, glisser de plus en plus Une fille qui aime sa mère qui sombre pense à elle, panse pour réparer, la préserve de son départ, trouve des excuses avant de partir, un jour, car elle sait qu’elle partira, c’est ça, être la fille de sa mère, se laisser partir loin d’elle pour continuer à l’aimer mais être soi, et le cas échéant, pour ne pas sombrer, aussi…
Et puis, une fille, parfois devient à son tour mère. La filiation féminine est une passation de sensibilité, aussi. Avoir des enfants à son tour c’est se trouver en proie à ses propres soucis, c’est aussi projeter ce qu’on a reçu alors qu’on essaie de tout faire pour ne pas être la mère que sa mère a été. Est-ce le moment de pardonner ? Est-ce trop tard ?
Et on plonge, car on se laisse aller, et donc partir nous aussi ? On plonge en soi et dans le temps, car le décor planté par Lisa Balavoine est clair, émouvant, nostalgique, avec un arrière-goût doux amer, en arrière-plan. La mère aimée est décrite par les yeux et la plume de sa fille, avec un style limpide , tendre mais juste , fusion et chaos s’entremêlent, et des mots bouleversants décrivent cette dérive pourtant viscérale, ces fragments de vie à deux, ces fragments de femmes en devenir qui pourraient finir par se déchirer.
Un livre sur la transmission à sa descendance de la douleur, la passation malgré soi de peines, de mélancolies, de regrets et de peurs, de hontes, passation empreinte de force ou de fantômes, sur un amour filial empêché. Et pourtant. Jusqu’à quand ? C’est aussi un livre de réconciliation où la fille adresse à sa mère les mots lumineux que celle-ci n’a jamais pu entendre de son vivant.
Laisser partir ceux qu’on aime est un récit à fleur de peau, une forme d’acceptation de choix de vie avec la cohorte de pensées chaotiques dérivantes que ça peut engendrer. Le pardon est une voie à creuser pour comprendre, profondément, réaliser, saisir, au mot près.
Et ce livre se lit d’une traite, de ce fait. Et les larmes lavent, clarifient et dégagent des émotions intenses, donc saisies. » Margot Bonvallet
La rencontre sera suivie d’un concert de Lisa & Luco*Pax.